23 % : C’est la chute nette des ventes de jupes en France entre 2019 et 2023, d’après les chiffres du cabinet Kantar. Jadis pièce maîtresse du vestiaire féminin, la jupe se fait rare, délaissée au profit de vêtements jugés plus pratiques et adaptés à la vie moderne. Derrière ce basculement, on trouve bien plus qu’un simple effet de mode : il s’agit d’un mouvement profond, où liberté, sécurité et expression de soi redessinent les contours du quotidien féminin. Un phénomène qui invite à repenser la place des normes, et révèle toute la richesse des expériences individuelles.
Plan de l'article
Les jupes, un symbole en mutation dans l’histoire de la mode féminine
Symbole fort, la jupe a longtemps incarné tout ce que la société projetait sur l’image de la femme. Pendant des générations, la silhouette féminine se dessinait à travers la jupe, face au pantalon réservé à l’homme. Les manuels scolaires en faisaient un cliché persistant : l’uniforme genré, jamais remis en question. Pourtant, la réalité n’a jamais cessé de bouger sous la surface.
Au XIXe siècle, la robe et la jupe s’imposaient dans toutes les armoires féminines, tandis que le pantalon restait un privilège strictement masculin. Il faut se rappeler que le droit pour les femmes de porter un pantalon a longtemps relevé du combat, opposant la loi à la liberté de mouvement. L’histoire de la mode regorge d’exemples où la coupe d’un vêtement devient le marqueur d’une conquête sociale. Dans les années 1960, des créatrices comme Mary Quant dynamitent les conventions : la mini-jupe s’affiche soudain comme un manifeste, une arme d’émancipation, un cri de liberté.
Depuis, la donne a changé. Le choix du pantalon n’est plus une provocation, mais un geste quotidien. Les femmes élargissent leur horizon vestimentaire, s’approprient des pièces longtemps réservées aux hommes, font de chaque vêtement une affirmation de leur singularité. Ce nouvel élan traduit un rejet des stéréotypes, une volonté d’adapter sa garde-robe à la réalité du travail et aux exigences de la vie urbaine. Désormais, la jupe n’est plus un passage obligé : elle se fait rare ou se réinvente, au cœur d’un mouvement qui refuse les assignations toutes faites.
Moins de jupes dans la rue : effet de mode ou reflet de la société ?
Le phénomène saute aux yeux, surtout dans les grandes métropoles françaises. À Paris, difficile de ne pas remarquer la disparition progressive de la jupe au profit du pantalon, du jean ou des coupes taille haute. Sur les réseaux sociaux, les influenceuses affichent leur préférence pour le confort et la praticité. Les marques suivent le mouvement, adaptant leurs collections pour répondre à ces nouvelles attentes.
Ce changement ne relève pas uniquement d’un effet de mode tendance. Il incarne une aspiration plus large à la liberté vestimentaire. Aujourd’hui, les femmes défendent la possibilité de choisir leur vêtement sans se soumettre à une norme ou à une injonction extérieure. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : le pantalon gagne du terrain, tandis que la jupe recule. Dans de nombreux magasins de prêt-à-porter, la place accordée à la jupe ou à la robe se réduit, laissant la vedette au denim, aux coupes cargo ou aux vêtements amples.
Ce n’est pas un hasard si ces évolutions coïncident avec les débats actuels sur le genre et l’égalité. Le vestiaire devient un nouveau terrain où s’exprime la relation au corps, à l’espace public, au monde du travail. Derrière chaque choix, il y a une négociation : le désir de s’affirmer sans compromis, tout en gardant le contrôle sur sa sécurité et son bien-être.
Trois voix, trois regards sur la jupe
Trois expériences concrètes permettent de saisir ce que cache, pour beaucoup, le rapport à la jupe :
- Liberté vestimentaire : Maud, cadre à Paris, ne s’impose plus aucun code. « Je porte des pantalons, des robes, des jupes… mais la jupe, moins qu’avant. Je veux marcher vite, prendre le métro, m’asseoir où je veux. » La jupe robe est devenue un choix, non une obligation.
- Confort : Léa, infirmière, va à l’essentiel : « Au travail, impossible. Je cours toute la journée. Le pantalon est plus confortable, plus pratique. » Pour elle, les talons aiguilles et les jupes serrées appartiennent à une autre époque : le confort prime avant tout.
- Pression sociale : Salma, étudiante, pointe une réalité plus pesante : « Porter une jupe, c’est parfois s’exposer. On me regarde, on me juge, surtout dans certains quartiers. » Le vêtement féminin devient alors un enjeu de visibilité et de gestion de l’espace public.
Ces témoignages rappellent que chaque femme compose, au quotidien, entre style personnel, exigences du travail et pression du regard collectif. La jupe, longtemps synonyme de féminité, se transforme en reflet d’un rapport renouvelé au corps et à la société. Les décisions vestimentaires s’ancrent dans l’expérience, bien au-delà des tendances ou des prescriptions extérieures.
Vers une mode plus inclusive : repenser nos choix vestimentaires collectivement
La mode n’impose plus un schéma unique : elle s’ouvre à la diversité, questionne le rôle du genre dans le vêtement. À Paris, comme à New York, les frontières traditionnelles s’effacent. Le Bermuda s’installe dans le vestiaire d’été, la jupe trouve sa place quel que soit le genre. Les marques, poussées par une nouvelle génération avide d’authenticité, élargissent leurs collections : plus de liberté, moins de barrières.
Ce désir d’une mode plus inclusive s’exprime aussi dans le succès des labels éco responsables et made in France. Les consommateurs, de plus en plus attentifs à la fast fashion et à l’impact environnemental, remettent en question la pertinence des vêtements genrés. Les créateurs relèvent le défi : concevoir des pièces adaptables, qui traversent les codes. La diversité n’est plus un concept abstrait : elle se voit sur les podiums, dans la rue, dans les choix du quotidien.
Le débat autour du genre et du confort dans le vêtement s’intensifie. Pourquoi rester enfermé dans un moule si l’alternative existe ? Les attentes changent, les lignes bougent. Les marques qui négligent cette évolution prennent le risque de devenir invisibles. La mode redevient alors cet espace mouvant, où chacun peut expérimenter, affirmer ses envies et tracer sa voie, loin des carcans d’hier.
Jupe ou pantalon, la question n’est plus de choisir son camp, mais de façonner un style qui colle à ses valeurs. Et si la prochaine révolution vestimentaire, c’était tout simplement le droit de ne plus se justifier ?


